Au 10ème siècle, la République de Pise rivalisait avec celles de Venise et de Gênes ; si elle a conquis la Toscane, la Sardaigne et la Corse, elle finit au début du 15ème siècle par tomber sous le pouvoir des Médicis régnant à Florence.
Pise en quelques heures, c’est quatre monuments essentiels regroupés sur la Piazza dei Miracoli (place des miracles). Témoignant à l’origine de l’apogée de la République de Pise, cette place est devenue l’un des symboles forts de l’Italie avec sa cathédrale, sa tour penchée, son baptistère et son cimetière « monumental », le tout inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1987.
La splendeur de cet ensemble architectural se voulait exhiber la puissance économique et politique de la République de Pise, laquelle le devait en particulier à la prospérité de sa flotte maritime, du temps où Pise était aussi un port à forte activité économique. A l’origine construit dans la plaine alluvionnaire du fleuve Arno, ce dernier a été déplacé à Livourne (port qui est aujourd’hui celui de Florence), l’une des forteresses côtières les plus importantes de Toscane qui en assurait la protection ainsi que celle de la remontée du fleuve.
La cathédrale
La cathédrale Sainte-Marie de l’Assomption a été construite en 1063 par l’architecte Buscheto, dans un style roman avec un plan en croix latine, sur le site d’une ancienne église byzantine consacrée à Santa Reparata. Les travaux seront poursuivis à partir de 1120 par l’architecte Rainaldo qui remplacera la façade originelle par l’actuelle et prolongera le bâtiment par l’ajout de trois travées tandis que la famille Médicis inspirera ses évolutions gothiques.
A l’extérieur, la façade reçoit les plus beaux marbres polychromes tandis que les flancs sont bâtis plus humblement avec parfois des pierres qui dénotent avec l’ensemble. Au faîte domine la Vierge à l’Enfant avec, aux extrémités des galeries inférieures, les quatre évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean.
Les portes originelles en bois ayant été détruites par un incendie en 1595, de nouvelles portes en bronze, dessinées par Jean de Bologne et fondues en 1602, sont venues les remplacer pour évoquer des épisodes de la vie de la Vierge. Au-dessus de chacune d’elles sont insérées des mosaïques représentant respectivement l’Assomption de la Vierge, Sainte Réparate, Jean-Baptiste.
A l’intérieur, cinq nefs (dont 2×2 collatérales) se déroulent, rythmées par des arcs alternant le marbre blanc et le marbre noir d’inspiration mauresque ; elles sont coiffées par un plafond à caisson riche en dessins géométriques et floraux mais également en symboles religieux ; ce plafond accueille en son centre le blason des Médicis.
La coupole au-dessus du maître-autel domine l’intégralité du sanctuaire ; sa mosaïque, dessinée par Cimabue, représente le Christ Pantocrator d’une façon typiquement byzantine en un Christ souverain et maître de tout ; celui-ci est assis sur son trône de gloire entre la Vierge et Saint-Jean l’Evangéliste ; il tient le Livre des Saintes Ecritures de main gauche tandis qu’il bénit de sa main droite.
Le maître-autel, avec ses statues d’anges à l’expressivité dynamique grâce à des effets de drapé, a été réalisé dans un style gothique par Giovanni Pisano à la fin du 13ème siècle. Bien qu’imposant par son occupation de l’espace, il s’efface artistiquement devant la chaire.
La chaire a été construite entre 1302 et 1311 en marbre (sur un plan octogonal identique au baptistère) par Giovanni Pisano ; elle se situe en retrait de l’autel, sans doute pour rapprocher des fidèles les évocations de la vie du Christ qu’elle expose sur ses neuf tableaux. Sa cuve repose sur huit supports : quatre colonnes (dont deux reposent sur des lions, typiques de l’architecture romane italienne), et quatre caryatides (représentant le Christ, l’archange Saint-Michel, et, ci-dessous l’Eglise à gauche et Hercule au centre).
Les neuf panneaux sculptés autour de la cuve représentent des scènes du Nouveau Testament et de la vie du Christ (ici deux tableaux : l’arrestation et la Passion du Christ, puis sa crucifixion).
Le baptistère
Le baptistère de Saint-Jean l’Evangéliste est inspiré du Saint-Sépulcre à Jérusalem quant à son architecture et son décorum ; il a été construit à partir de 1152 face au parvis de la cathédrale par Diotisalvi dans sa partie romane, puis par Nicola Pisano et son fils Giovanni dans sa partie gothique à partir de 1256 ; il ne sera achevé que bien plus tard en 1386. Sa base (aux arcatures aveugles) et le premier étage sont de style roman, lesquels cèdent la place à partir du deuxième étage au style gothique, notamment avec ses gables et pinacles. Les quatre portes en bronze correspondent aux points cardinaux.
L’intention de ce « face à face » des deux bâtiments est de représenter le lien spirituel reliant le baptême à l’Eucharistie.
La chaire en marbre a été réalisée par Nicola Pisano en 1260 ; elle repose sur sept colonnes, dont trois s’appuient sur des lions ; les cinq panneaux du garde-corps représentent des scènes de la vie du Christ.
L’autel, réalisé par Guglielmo au 12ème siècle, est l’autel d’origine de la cathédrale ; il a été transféré au Baptistère à partir du moment où Giovanni Pisano réalisa un nouvel autel plus imposant pour celle-ci.
Les fonts baptismaux, réalisés par Guido Bigarelli da Como en 1246, permettent le baptême par immersion dans la cuve octogonale tandis que les petites vasques sont réservées au baptême des bébés. En son centre, la statue en bronze de Saint-Jean l’Evangéliste a été réalisée au 20ème siècle par Italo Griselli.

La « tour penchée »
La construction du campanile de la cathédrale (la Torre Pendente), issu du mot italien campana (cloche), généralement attribuée à Bonanno Pisano, a débuté en 1173, en marbre de Carrare, dans un style purement roman.
Ses fondations de trois mètres de profondeur s’avèrent insuffisantes et fragilisées par un terrain malléable constitué de trois couches spongieuses de dépôts limoneux infiltré par l’eau de l’Arno, d’argiles molles et de sable dense. Elle a commencé à pencher vers le nord dès la construction du troisième étage en 1178 ; stabilisée par son propre poids en 1272, Giovanni di Simone lui adjoint quatre étages supplémentaires ; son affaissement est à nouveau constaté en 1298 ; en 1372, Tommaso Pisano construit son 8ème et dernier étage, loggia qui accueille sept cloches portant sa hauteur à presque cinquante-six mètres et 294 marches.
Contrairement à l’usage qui place les campanile à côté de la façade (Florence) ou sur le côté immédiat de la cathédrale, celui de Pise est déporté bien au-delà de l’abside côté sud-est.
Son axe penchant jusqu’à 10°, de nombreux travaux ont été effectués entre 1990 et 2001 afin de renforcer son assise. Malgré son rétablissement à 4° d’inclinaison, avec aujourd’hui une orientation vers le sud, les experts s’accordent à dire qu’elle finira par s’effondrer.
Il reste cependant encore un peu de temps pour permettre aux touristes de jouer à l’empêcher de s’écrouler.
Le cimetière ancien
Le cimetière ancien (Camposanto) se situe à l’emplacement de l’ancien baptistère de l’église consacrée à Santa Reparata (patronne de Florence), rasée pour permettre la construction de l’actuelle cathédrale. Il a été construit à partir de 1277 par Giovanni di Simone afin d’accueillir les tombes établies autour de la cathédrale (personnalités de la ville, familles de notables). Ce cimetière de style roman, avec des ajouts gothiques, adopte le plan d’un cloître entouré de très hauts murs extérieurs s’appuyant sur quarante-trois arcs aveugles en marbre blanc.
Son entrée est surmontée d’un grand tabernacle de style gothique faisant apparaître des statues de la Vierge à l’Enfant, de quatre saints et des anges.
Les murs intérieurs sont des arcatures à claire-voie de style gothique.
Les nombreux sarcophages sont ceux des personnalités les plus importantes ; ils se trouvaient à l’origine dans la zone centrale du cimetière, aujourd’hui transformé en jardin ; les autres personnes de moindre rang étaient inhumées sous les dalles des arcades.
Remarquer un sarcophage rare du 12 ème siècle (deuxième sarcophage à partir de la droite), strigilé et ovoïde, avec deux lions dévorant leurs proies ; une trentaine de sarcophages ont été réutilisés pour des personnalités importantes, ce remploi étant d’usage attesté depuis le 11ème siècle.
Le Camposanto se caractérise par ses immenses fresques réalisées au cours des 14ème et 15ème siècles autour du thème de la vie et de la mort ; parmi celles-ci les deux fresques de Buonamico Buffalmacco, avec leurs éléments remarquables :
1- « le jugement dernier » : au centre du panneau de gauche le Christ rédempteur, au centre du panneau de droite Lucifer, représenté sous la forme d’un gigantesque serpent, dévorant digérant et expulsant les damnés vers les souffrances et les flammes de l’Enfer.
2- « le triomphe de la mort » : la découverte par trois vivants horrifiés de trois cadavres en état de décomposition différents, le combat dans le ciel des démons et des anges pour emporter l’âme des puissants, et la mort au centre portant sa faucille.
Plus globalement l’ensemble de ces fresques racontent l’Histoire de l’Ancien Testament et les Histoires de la Genèse. Endommagé par les bombardements en 1944, le Camposanto est encore en cours de restauration.
Mais la réalité de la situation économique de l’Italie s’est invitée sur la Piazza dei Miracoli avec le mouvement de grève du 12 mai 2025. Initié par des syndicats de travailleurs, il proteste contre la précarité des emplois ainsi que la suppression de lignes budgétaires flèchées vers la recherche et l’enseignement supérieurs. Anna Bernini, membre du parti de droite Forza Italia et ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, est interpellée.