L’Erdre naît sur les contreforts du massif armoricain, à l’extrémité nord-est du Sillon de Bretagne, dans une région autrefois riche par ses mines d’ardoises. A une altitude de 63 m, elle prend sa source à l’étang du Clairet, sur la commune d’Erdre en Anjou (autrefois nommée La Pouëze avant une fusion de communes, Maine et Loire). Réalimentée par des ruisseaux, elle va progressivement grandir et s’élargir le long de ses 97 km (ou 103 ou 105 selon les méthodes de mesures) avant de se jeter dans la Loire à Nantes (Loire-Atlantique).
L’origine de son nom est mal connue. Pour certains, elle tire son nom du latin Erda (« occidental », région occupée par les armées de Jules César lors de la conquête de la Gaule), lui-même tiré du gaulois Erida. Pour d’autres, son nom découle d’un patois local signifiant « petit ruisseau ».
Dans les pas de François 1er qui la déclarait « plus belle rivière de France », j’ai réalisé cette série au fil tant de l’eau que des saisons.
L’Erdre en Maine-et-Loire
A partir de sa source, l’Erdre s’en va ici en direction opposée vers Nantes, traversant 16 communes et 2 département =>
Le maître des lieux du jour.
Sur ses premiers kilomètres, l’Erdre n’est qu’un ruisseau qui se fait timide voire caché ; il faut aller le chercher dans les buissons. Il disparaît et réapparaît au gré de la végétation et des ponts qui le chevauchent.
Au fil de son parcours, l’Erdre commence à se nourrir de différents ruisselets qui, peu à peu, renforcent son débit qui contribue à élargir son lit. Comme ici, sur la commune d’Angrie (49).
Le lavoir de Candé (49). Il a la particularité de posséder une cheminée afin de protéger les laveuses des rigueurs de l’hiver ; le lavage se faisait par battage sur des planches de bois ou des dalles de pierre avec du savon noir parfois mélangé avec de la cendre ou des cristaux de soude. Avant le Moyen-Age, les femmes lavaient le linge directement dans la rivière. C’est surtout à partir de la Révolution française que sont construits des lavoirs publics dans un objectif de salubrité publique. A partir du 19ème siècle, les lavoirs deviennent couverts. Lieux de sociabilité féminine, femmes et lavandières s’y retrouvaient également pour parler et chanter. L’arrivée de l’eau courante dans les maisons a marqué le commencement de la fin des lavoirs publics, qui tomberont définitivement en désuétude avec la popularisation de la machine à laver.
L’Erdre en Loire-Atlantique
Au lavoir de Freigné (44), l’Erdre a déjà quitté le Maine-et-Loire pour entrer en Loire-Atlantique. Elle a déjà ici pris ses aises, aidée en cela par une succession de barrages en aval destinés à réguler son débit =>
Sur la commune de Saint-Mars la Jaille, un saint-marsien se laisse surprendre sur son territoire en bordure de rive.
A Vallons de l’Erdre, l’ancienne minoterie de Bonnoeuvre et son moulin à eau, vus du pont aux moines ; celle-ci était la première grande minoterie sur le cours de l’Erdre à avoir pu exploiter sa force hydraulique.
Le lavoir de Riaillé, en contrebas de la route Riaillé-Ancenis, a été construit en 1850 afin de permettre aux villageoises de venir laver leur linge sur la rive droite de l’Erdre ; il a été utilisé jusqu’en 1960.
Le pont du Theil à Trans sur Erdre, a été construit aux 12ème et 13ème siècles afin de faciliter l’acheminement à Nantes du minerai de fer extrait des carrières de Moisdon la Rivière.
Halte de bernaches, sur l’étang du Clos à Trans sur Erdre.
En aval de Joué sur Erdre, l’un des nombreux petits barrages électriques permettant de réguler le débit de la rivière. Ils contribuent à créer des étendues d’eau, à préserver leur ressource en eau, et à sauvegarder la biodiversité qui en découle.
A l’approche de Nort sur Erdre, la rivière entre dans ses derniers grands méandres. Noyée dans les bois à gauche, la falaise signe la faille de Nort sur Erdre, dernier soubresaut du versant nord du sillon de Bretagne.
Sur sa rive droite chemine une rigole alimentaire sur environ 1000 m. Construite en 1833, elle relie l’étang de Vioreau au canal de Nantes à Brest ; elle permet ainsi de maintenir un niveau d’eau suffisant au canal pour assurer la navigation fluviale et ses activités économiques, désormais touristiques. Plusieurs arcades ont été construites afin de s’affranchir des vals.
L’Erdre est une rivière poissonneuse, accueillant carnassiers (brochet…), blancs (carpe…) et grands migrateurs (anguille) ; son faucardage régulier lui permet de conserver un bon écoulement de l’eau et son oxygénation. Pour autant elle reste classée au rang de rivière de 2ème catégorie en raison de la pression des produits phosphorés, azotés et phytosanitaires utilisés par les agriculteurs et autres usagers, en particulier en amont de son bassin naturel.
Des biefs (petits canaux de dérivation) ont été construits afin d’apporter aux moulins l’eau nécessaire à leur fonctionnement. Ici le moulin de Vault, abandonné de longue date et dépourvu de ses routes à aubes. A proximité, l’Erdre a été aménagée afin de lui préserver son caractère sauvage et de permettre aux poissons de la remonter.
L’Erdre arrive à Nort sur Erdre, en passant sous le pont saint-Georges, d’où est prise cette photo ; celui-ci assure l’unique point de passage ouvert à la circulation d’une rive à l’autre ; c’est aussi là qu’en 1793, l’armée vendéenne partie à la conquête de Nantes y sera ralentie par la résistance nantaise. C’est à partir de l’aval du pont Saint-Georges que la rivière devient à proprement parler navigable sur ses derniers 25 km ; à partir de 1829, des navires à vapeur assureront chaque jour le transport de passagers entre Nort sur Erdre et Nantes, la liaison s’effectuant en 02h30. Le port a contribué à la prospérité de la ville car de là étaient acheminées à Nantes les productions locales de charbon, de houille, de fer, de bois ; cette activité économique déclinera à partir de 1877 avec la mise en service de la ligne ferroviaire reliant les deux villes. Ici les bâtiments de l’ancienne minoterie toisent les « house-boats ».
L’Erdre s’élargit à partir de la plaine de la Poupinière, pour ensuite s’étendre encore davantage dans la plaine de Mazerolles, jusqu’à parfois atteindre 1 km de large. Il s’agit d’un domaine de l’Etat, classé zone natura 2000 en raison de sa biodiversité faunistique et floristique et de son intérêt écologique. Au sein de ces espaces de reproduction, d’habitation, de passage et de migration des oiseaux et des poissons, l’homme y a développé des activités de loisirs.
La plaine de Mazerolles étend ses 253 hectares sur les communes de Nort sur Erdre, Petit Mars et Sucé sur Erdre. Ses plus anciens gisements de tourbe, d’une profondeur de 7 mètres, remontent à 4000 ans et sont aujourd’hui essentiellement conservés voire restaurés ; afin de couvrir leurs besoins, les horticulteurs importent aujourd’hui de la tourbe brute en provenance majoritairement de l’Ukraine et de l’Espagne ; certaines entreprises commencent à développer des alternatives sous forme de substrats sans tourbe afin de tendre vers la neutralité carbone. Parce que régulièrement balayée par le vent, elle accueille un parc éolien, malgré sa classification « zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique » et « Natura 2000 ».
Cette toue « cabanée», reconvertie dans le tourisme fluvial, quitte l’Erdre pour s’engager dans l’écluse de Quinheix, d’où est prise cette photo, deuxième écluse du canal construit en 1811 menant de Nantes à Brest.
La ville de Sucé sur Erdre signe l’extrémité sud de la plaine de Mazerolles. De nombreuses propriétés riveraines du domaine public fluvial n’ont toujours pas mis en œuvre la servitude de marchepied de 3,25 mètres qui leur est imposée ; cette résistance a généré de nombreux conflits avec les associations de pêcheurs et de randonneurs.
L’Erdre s’élargit, bordée par des coteaux rocheux et boisés qui la canalisent, constituant ainsi une véritable coulée, verte sauf lorsque la pluie en a décidé autrement, jusqu’au sein de l’agglomération nantaise.
L’Erdre à Nantes
Un « quatre barré » arrive sous les deux ponts situés au droit de l’ancien village de la Jonelière : à gauche le pont routier « double poutre » de la Beaujoire (ouvert en 1977 afin d’assurer la continuité du périphérique), et à droite le pont ferroviaire de la Jonelière (le premier pont métallique, construit en 1875 pour assurer la liaison Nantes-Chateaubriant, a été détruit en 1944 par les allemands, puis reconstruit en béton armé en 1948, avant d’être rénové en 2011 avec l’adjonction d’une piste cyclable, il assure désormais la liaison train et tram-train). C’est à leur pied que la rivière le Gesvre s’y jette =>
On laisse l’ancien village de la Jonelière sous un petit rayon de soleil. Il ne reste rien de son quartier populaire, de ses bars et guinguettes, de son école, de son musée de voitures anciennes, du château de la Châtaigneraie qui accueillait un petit zoo dans les années 1950-1970. L’Erdre est une rivière prisée des clubs d’avirons et d’autres sports d’eau (canoë-kayak, paddle…), et du tourisme fluvial.
L’IFREMER est l’institut français de recherche sur la connaissance des océans (protéger et restaurer les éco-systèmes marins, gérer durablement les ressources marines, partager les informations marines), bien qu’ici situé dans des eaux douces.
Situé entre l’Erdre et le campus universitaire, le château du Tertre, bâti en 1858, est propriété de l’université de Nantes depuis les années 60 afin d’y accueillir cours et colloques.
L’ancienne glacière du château du Tertre, dans laquelle était conservée la glace d’hiver sur plusieurs mètres de profondeur ; elle est aujourd’hui comblée et abandonnée.
Témoignant de la bonne qualité de l’eau, les cormorans passent leur temps à pêcher les gardons, brèmes, cendres, carpes, brochets ou anguilles ; contrairement à leurs voisins les canards, ils ne savent guère imperméabiliser leur plumage, qu’ils doivent sécher à l’air.
Un geai des chênes, dans les saules. Espèce chassable dans certains départements car classée « espèce susceptible d’occasionner des dégâts », ce que conteste la LPO ; c’est néanmoins un oiseau utile par son rôle écologique de nettoyeur de la nature.
L’ancien marais de port Boyer avait été assaini afin de permettre son urbanisation rive gauche. La navette fluviale « la mouette » assure la liaison avec le campus universitaire situé rive droite, à l’endroit où se jette la rivière le Cens.
C’est également à port Boyer que se trouve le lycée professionnel maritime Jacques Cassard. A l’issue de leur formation, les élèves pourront se diriger au choix vers l’emploi, les concours d’admission aux écoles nationales de la marine marchande ou de la marine nationale.
Le pont de la Tortière, ici vu de la rive gauche, marque visuellement l’entrée dans la ville par l’urbanisation de ses bords. Ici à droite l’actuel pont, construit en 1977 ; à sa gauche, le premier pont construit en 1876 dont il ne reste que la culée et une partie de son escalier latéral aujourd’hui condamné ; c’est cet ancien pont qui a inspiré son poème à Paul Fort « Du pont de la Tortière, un soir » (in « Ballades nantaises » 1947).
L’assainissement du marais de Barbin a permis la réalisation de divers ouvrages, diverses voies de passage, constructions (entrepôts, hangars, maisonnettes à flanc de falaise…), quais (amarrage de péniches, dont il ne reste plus aujourd’hui que des péniches d’habitation).
Le dernier des bateaux-lavoirs de Nantes, aujourd’hui reconverti en gîte touristique ; Au nombre de 33 au début du 19ème siècle répartis entre la Loire et l’Erdre, ils permettaient aux blanchisseuses de travailler en toute indépendance des effets de marée (l’Erdre était encore directement reliée à la Loire).
A l’horizon, le pont de Barbin, renommé par la suite pont de la Motte-Rouge. Celui-ci est venu remplacer l’ancienne digue nommée « la chaussée de Barbin » qui n’était pas adaptée au trafic urbain, outre que la construction rive gauche de la caserne militaire Cambronne, face au village de Barbin, exigeait la traversée rapide de l’Erdre. A l’origine cette chaussée, haute de plusieurs mètres et bâtie au 6ème siècle à l’initiative de Saint-Félix évêque de Nantes ; elle servait également de retenue d’eau alimentant 3 moulins à eau ainsi que 2 pêcheries, noyant les marais de Mazerolles de Nantes à la Poupinière, et permettant de ce fait la navigabilité de la rivière.
Petit oratoire dédié à la Vierge Marie, où se déroulaient encore des processions avant la Révolution de 1789 ; sa statue de la Vierge a disparu en 1895. Cédé par la propriété Tourneron à la ville de Nantes en 1986, il a été restauré en 2014.
Typique de l’architecture des maisons nantaises, celle-ci résiste encore aux sirènes des promoteurs immobiliers dont les immeubles de luxe grignotent petit à petit du terrain sur les bords naturels de l’Erdre.
Le quai de Versailles (rive droite) a été édifié en 1837 sur l’ancienne chaussée des Fresnes et tient son nom d’une propriété que l’on désignait comme « le petit Versailles ». L’île de Versailles a été artificiellement créée en 1831. Elle a longtemps été un lieu d’entrepôt d’un négociant en bois et d’étendage de blanchisseries et lavandières ; de nombreuses activités s’y sont progressivement implantées (bateaux-lavoirs, tanneries, menuiseries, chantiers navals, pêcheries, meuniers…). Délaissée par les artisans et entreprises, l’île est rachetée en 1983 par la ville qui l’aménagera en jardin public d’inspiration japonaise ; son ponteau a été reconstruit en 2022.
Le quai Ceineray (rive gauche) porte le nom du grand architecte urbain qui a transformé partie de la ville de Nantes dans les années 1760 à 1780 (notamment : déconstruction des remparts, construction de la préfecture, immeubles des anciens quais Brancas et Flesselles), et réaménagé les bords de l’Erdre. A droite de l’image au droit du mur en brique, débouchait la chaussée de Barbin qui traversait l’Erdre ; ici invisible, l’île de Versailles se situe dans l’arrière-plan.
Il ne reste guère de traces des anciens bâtiments et entrepôts le long des quais dans ces quartiers autrefois riches en activités économiques.
Ces vieilles cheminées, proches des anciennes tanneries, témoignent d’un passé industriel révolu.
Dernier regard vers l’amont, et le pont qui relie le quai de Versailles au quai Ceineray. C’est ici que bat le coeur des Fêtes de l’Erdre, festival international de musique à tendance jazz le premier week-end de septembre.
L’Erdre est détournée de son écoulement naturel vers la droite depuis son comblement pour être redirigée artificiellement vers la Loire au travers du tunnel fluvial Saint-Félix à gauche.
L’ancien port Communeau, au droit du bassin Ceineray. Au 17ème siècle, l’Edit de Nantes interdisait aux protestants de disposer d’un temple à Nantes, siège de l’évêché ; ceux-ci devaient alors se rendre au temple le plus proche, à Sucé sur Erdre ; pour cela, ils embarquaient dans des gabarres à port Communeau et, ce qui ne leur était pas interdit, commençaient sur l’eau à chanter leurs psaumes le temps du voyage.
L’entrée du tunnel fluvial Saint-Félix, à travers la ferronnerie du pont Saint-Mihiel. La navigation se faisant à sens unique et alterné, il faut actionner au feu vert une corde pour annoncer son arrivée, dans un sens ou dans l’autre.
La sortie aval du tunnel, qui débouche dans le bassin Saint-Félix, port de plaisance à flot situé à moins d’une encâblure de la Loire.
Dans cette perspective du bassin Saint-Félix, malgré les apparences, la Loire est devant nous ; on distingue les trois sas de l’écluse Saint-Félix, première écluse du canal de Nantes à Brest ; celui de gauche gère le débit de l’Erdre afin de garder le bassin à flot tandis que les deux autres sont réservés au passage des bateaux.
Cette toue cabanée est éclusée afin de quitter la Loire pour pénétrer dans l’Erdre par ce sas dédié à leur jonction.
L’Erdre dans la Loire
Le troisième sas gère le niveau d’eau du bassin en fonction du débit de l’Erdre, laquelle se jette ici dans la Loire =>
L’écluse Saint-Félix dans son cocon urbain. C’est aussi une passerelle pour les piétons, afin d’assurer leur passage entre les deux rives de l’Erdre, avec juste à côté un autopont pour les mêmes raisons. Là, les eaux de l’Erdre se mêlent à celles de la Loire, au premier plan. Et c’est ici que l’Erdre termine son voyage.
Si vous voulez poursuivre cette promenade en direction de l’océan atlantique, vous pouvez descendre la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire.
PS : il n’est pas possible de savoir combien de temps met une goutte d’eau à se jeter dans la Loire à partir de l’étang du Clairet ; parce que cela dépend du débit de la rivière (saisons, pluies, gestion des barrages, affluents) et de son profil (temps de résidence dépendant des zones de rétrécissements, d’élargissements et de stagnation) ; on sait seulement qu’un temps long contribue à expliquer les problèmes d’eutrophisation (algues, cyanobactéries) faute d’effet de chasse d’eau, et c’est là un début de réponse. Quant à savoir si le gardien de l’étang du Clairet connaîtra un jour la Loire…